L’adiponectine, chaînon manquant entre l’obésité et le diabète.

Du gène au médicament : un succès pour la génétique et un espoir pour les diabétiques

 

Une équipe franco-japonaise, dirigée par le Professeur Philippe Froguel (CNRS-Institut Pasteur de Lille et Barts and The London Genome Centre) et par le Professeur Takashi Kadowaki (Université de Tokyo) vient de découvrir que le gène produisant l’adiponectine, hormone récemment découverte et produite par le tissu graisseux, prédisposait à la survenue du Diabète de Type 2 dans les populations françaises et japonaises. Environ 30% du risque génétique de diabète au Japon est lié à des mutations de ce gène. Par ailleurs, ils ont montré que l’administration d’adiponectine à des souris génétiquement obèses guérissait leur insulino-résistance, anomalie biologique à l’origine du diabète, et normalisait leurs taux de lipides sanguins. Ces résultats, publiés par le journal Nature Medicine d’Août 2001 pour la partie expérimentale, et présentés au congrès européen sur le diabète de Glasgow en septembre 2001 pour la partie génétique, apportent les bases rationnelles d’un traitement préventif et curatif radicalement nouveau du diabète de type 2 basé sur le rétablissement d’un taux (ou d’une activité) normale d’une hormone naturelle du tissu adipeux qui est déficiente chez les diabétiques et les obèses.

 

Le gène APM1 est situé sur l’extrémité du bras long du chromosome 3, région fortement liée au diabète de type 2, à l’infarctus du myocarde et au syndrome métabolique (pré diabétique) dans plusieurs populations (françaises, japonaises, indo-mauriciennes, américaines d’origine européenne, hispanique et noire). Forte de cette première découverte (publiée en Décembre 2000 dans la revue American Journal of Human Genetics), l’équipe franco-japonaise a décidé d’étudier génétiquement et expérimentalement le rôle d’un gène candidat situé sur le chromosome 3q et produisant une hormone très abondamment produite par les cellules graisseuses, l’adiponectine (appelée aussi ACRP30). Ils ont découvert des mutations de ce gène qui diminuent la sécrétion d’adiponectine, augmentent l’insulino-résistance, et confèrent un risque de diabète multiplié par 2 à 4. De plus, d’autres études complémentaires menées chez des sujets japonais et suisses (en collaboration avec le Dr Juan Ruiz de l’Université de Lausanne) montrent que les mutations d’APM1 augmentent l’obésité abdominale, graisse particulièrement dangereuse pour la santé, et prédisposent fortement à l’infarctus du myocarde, principale cause de décès des diabétiques. Les études animales sont parties de l’observation, obtenue grâce à des « puces à ADN » que le gène de l’adiponectine était activé chez des souris très sensibles à l’insuline. Pour comprendre le rôle physiologique de l’adiponectine, l’équipe franco-japonaise a fabriqué de l’hormone recombinante par génie génétique et l’a injectée à des souris très insulino-résistantes, car extrêmement obèses ou dépourvues de tissu adipeux. Dans tous les cas, l’adiponectine a fortement amélioré ou supprimé les anomalies biologiques de ces souris, et en particulier a normalisé leurs taux de lipides sanguins mais aussi de lipides musculaires et hépatiques dont l’accumulation est particulièrement nuisible. Ainsi, le rétablissement de taux normaux d’adiponectine permet de prévenir le diabète lié à l’obésité, et de supprimer le syndrome métabolique facteur de risque très important de diabète, d’athérosclérose chez l’animal et chez l’homme.

 

Sur environ 6 milliards d’êtres humains, la moitié est suralimentée, et 500 millions développeront un diabète pendant leur vie. Le diabète et l’obésité constituent la première épidémie non infectieuse de l’humanité. Le nombre de diabétiques va doubler dans les prochaines années, en particulier dans les pays en voie de développement (aujourd’hui 35% des chinois de Shanghaï sont diabétiques après 65 ans et les cas de diabète se multiplient chez les adolescents américains obèses). Le diabète est lié à un dérèglement de la production et l’efficacité de l’insuline, hormone d’origine pancréatique. Les découvertes génétiques ont montré le rôle primitif du pancréas dans les formes de diabète à début précoce, mais les gènes de prédisposition aux formes communes du diabète de la maturité étaient jusqu’à présent méconnus. On pensait que le tissu graisseux n’était qu’un réservoir d’énergie : c’est aussi un organe endocrine qui module le métabolisme en produisant des hormones comme l’adiponectine qui stimulent la combustion des graisses dans le muscle, le foie et qui protègent de l’accumulation de lipides dans les artères. Les résultats actuels montrent le rôle central du tissu graisseux dans la survenue du diabète, et offrent des espoirs raisonnables de nouveaux traitements du diabète. En effet, des travaux américains en cours de publication montrent que l’administration d’adiponectine diminue fortement la glycémie de rats diabétiques, et que chez l’homme certains médicaments nouveaux du diabète, bientôt disponibles en France, les tiazolidinediones, agissent notamment en augmentant la sécrétion d’adiponectine. Ainsi, l’adiponectine elle-même ou des molécules augmentant sa production ou mimant son action pourraient améliorer la prise en charge des diabétiques, ou même prévenir son apparition chez les obèses ayant une prédisposition familiale au diabète.

 

Cette étude internationale (qui associe aussi le Dr Bernard Bihain, San Diego USA) n’a été possible que grâce au soutien de centaines de familles de diabétiques qui ont répondu à l’appel de l’association « 200 familles pour vaincre le diabète ». Pour continuer il est indispensable que d’autres familles participent à cette étude (numéro vert : 0800 02 04 12). L’équipe lilloise du CNRS n’a bénéficié d’aucun crédit public spécifique pour ce travail, ce qui met en lumière le surprenant désintérêt des pouvoirs publics pour des maladies comme l’obésité, l’athérosclérose et le diabète qui constituent des fléaux majeurs de santé publique. Il est à espérer que ces résultats permettront de convaincre les ministères de la santé et de la recherche qu’il est nécessaire d’investir plus fortement dans ce domaine de la recherche médicale.

 

Contact Presse :

 

Philippe Froguel : 03 20 87 79 54 et 79 11 mel : froguel@good.ibl.fr

Francis Vasseur : 03 20 87 79 54 et 10 42 mel : francis@good.ibl.fr

 

 

Références :

T. Yamauchi et al. : Replenishment of the fat-derived hormone adiponectin reversesinsulin resitance associated with both lipoatrophy and obesity, Nature Medicine, Aout 2001, sous presse.

F. Vasseur et al. : Association of the APM1/adiponectin gene with Type 2 diabetes and CHD in French population., EASD Congrès Européen pour l'Etude du Diabète, Glasgow, septembre 2001.