01/12/2000La Recherche > CHRONIQUES ... À PROPOS DE DOPAGE
LE PROVINCIAL Nous, les dopés
Nous sommes tous
des dopés. Mon premier acte de la journée, au saut du lit : me préparer une tasse
de café ou de thé : accro. Dopés, ceux qui ne peuvent se passer d'une aspirine
pour le moindre petit mal de tête. Dopés, ceux qui doivent boire une tasse de
camomille ou de tilleul avant de s'endormir : ou bien ces tisanes contiennent
des principes actifs et c'est du dopage classique, moléculaire, ou bien cela se
passe dans leur tête, et c'est la même forme de dopage non moléculaire que représente
l'entraînement sous hypnose (qui fut interdit aux sportifs comme les hormones,
les barbituriques ou la cocaïne depuis près de quarante ans !). Dopés même,
ceux qui ne peuvent se passer de leur jogging régulier : ils sont dopés à leurs
endorphines*. Dopés bien sûr ceux qui ne peuvent dormir sans un petit comprimé.
Dopés, à la limite, ceux qui ne peuvent tenir un trimestre sans aller passer quelques
jours à la mer ou à la montagne... Dopés, mais pas tricheurs !
C'est donc vraiment un cas
particulier de « dopage » que la tricherie dans les sports de compétition, par
ingestion ou injection de drogues(1). Mais on ne dira jamais assez quels défis
le dopage, dans ce dernier sens, a lancé à la chimie analytique. L'enjeu est terrible
: accuser à tort un champion d'avoir pris une gonflette au cours de son entraînement,
cela peut le mener à la ruine matérielle et morale. Ne pas démasquer un tricheur,
c'est par contre faire du tort à tous ceux qu'il a malhonnêtement battus. Les
résultats analytiques doivent être indiscutables, précis, rapides, parfaitement
sélectifs. En outre, ils ne devraient être obtenus que sur l'urine : tout autre
prélèvement est mal accepté, même si on commence à exiger des prises de sang (détection
de l'EPO lors des Jeux olympiques de Sydney). Les bonnes méthodes sont des méthodes
chimiques, et leurs extensions biochimiques et immunologiques. Elles sont nombreuses,
et doivent souvent être validées par une combinaison de plusieurs d'entre elles,
ce qui les rend coûteuses. Elles peuvent difficilement être pratiquées sur place,
dans un sport itinérant comme le Tour de France.
Il y a une vingtaine d'années
déjà, j'avais proposé aux étudiants d'un nouveau certificat optionnel de chimie
analytique de préparer un exposé sur les méthodes analytiques utilisables pour
le contrôle du dopage. Nous avions ainsi appris ensemble quelles étaient les possibilités
immenses ouvertes par la spectrométrie de masse, alors encore primitive, par les
chromatographies diverses, etc. Les méthodes immunologiques n'étaient pas encore
au programme. Les chimistes essaient de battre leurs propres records, pour, sans
se doper, coincer les tricheurs...
Guy Ourisson.
Chimiste, professeur émérite à l'université
Louis-Pasteur de Strasbourg.
Notes rédigées à
partir d'un article pris sur le WEB d'une journaliste : Carina Louart
*Les endorphines
et les enképhalines sont des endomorphines. Tout comme la morphine, largement
utilisée en médecine pour ses effets antalgiques dans les douleurs rebelles,
les endomorphines possèdent les mêmes propriétés. "Elles agissent de façon identique
en se fixant sur des récepteurs spécifiques qui bloquent la transmission des
signaux douloureux et réduisent la sensation de douleur."Je me souviens d'un
cycliste professionnel, raconte le Dr Jean Pierre Voignier, remonté à bicyclette
après sa chute. Il ne se plaignait d'aucune douleur alors que j'ai découvert
à la radiographie, quelques jours plus tard, une fracture."
Ces antalgiques naturels constituent un formidable atout. "En inhibant les douleurs
d'origines musculaire ou tendineuse pendant l'effort, les sportifs peuvent maintenir
leurs performances", constate le Dr Jean Frédéric Brun. Mais, et c'est le revers
de la médaille, certains signes de douleurs coronariennes ou d'infarctus peuvent
également être masqués par cette libération d'endorphines, ce qui peut avoir
de graves répercussions.
Poste 2.
Modulation des messages nerveux
par les enképhalines :
Cliquer sur la légende
pour activer l'interneurone à enképhaline.
Lors de l'arrivée d'un
message nociceptif dans la corne dorsale de la moelle épinière,
si une situation de stress active les neurones à enképhalines,
le message nociceptif se trouve ainsi modulé.