Travail dirigé en groupe.

Recopier les questions et répondre dans l'ordre.

Soigner le plus possible la présentation.

Commentaire de texte Mendel, " Recherches sur divers hybrides végétaux " Communications faites le 8 février et le 8 mars 1865

REMARQUES PRÉLIMINAIRES :

a) Quelle est la problématique de Mendel ?

b) Dans quel questionnement plus général encore s'inscrit-elle ?

CHOIX DES PLANTES D'EXPÉRIENCE :

c) Quelles sont les raisons qui ont conduit Mendel à choisir le Pois comme plante d'expérience ?

d) Quelle observation anormale Mendel fait-il sur la descendance des espèces ?

DIVISION ET DISPOSITION DES EXPÉRIENCES

e) Quelles sont les perturbations possibles de l'expérience ?

LES GÉNÉRATIONS ULTÉRIEURES DES HYBRIDES

f) Quelles raisons poussent Mendel à proposer ses résultats également sous forme réduite ?

g) Comment se fait cette réduction ?

LES DESCENDANTS DES HYBRIDES CHEZ LESQUELS SONT GROUPÉS PLUSIEURS CARACTÈRES DIFFÉRENTIELS

h) Dans le plant femelle, quels sont les caractères dominants, les caractères récessifs ? Précisez le sens de ces termes.

i) Quel problème soulève la situation 1 (des souches possédant tous les caractères dominants) ?

j) Quelle justification Mendel donne-t-il de la série de descendants obtenus ?

k) Comparer les résultats théoriques aux résultats obtenus ? Que constate-t-on ?

l) Qu'apporte la 2ème expérience ?

m) Quelle information permettant de prévoir les résultats apporte Mendel ?

Conclusion :

n) Quelle réponse Mendel apporte-t-il au problème de suivi de la descendance des hybrides ?

o) Quelle relation peut-on faire avec l'évolution ?

 

Mendel, « Recherches sur divers hybrides végétaux », trad. Chappellier, 1907 : Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, tome 41 ; republiée par le Bulletin de l'UdN (Union des naturalistes), n° 3, juillet-septembre 1961, p. 1-37 (extraits).  

 I.  RECHERCHES SUR DIVERS HYBRIDES VÉGÉTAUX

Communications faites le 8 février et le 8 mars 1865, publiées dans « Verhandlungen des naturforschenden Vereines in Brünn », p. 3-47 du tome IV, 1865.

REMARQUES PRÉLIMINAIRES
C'est en procédant, sur des plantes d'agrément, à des fécondations artificielles destinées à obtenir de nouveaux coloris, que l'on a été amené aux recherches qui vont être exposées ici. La régularité remarquable avec laquelle revenaient les mêmes formes hybrides, toutes les fois que la fécondation avait lieu entre les mêmes espèces, donna l'idée de nouvelles expériences dont le but serait de suivre les hybrides dans leur descendance.
De consciencieux observateurs comme Kœlreuter, Gaertner, Herbert, Lecocq, Wichura et d'autres encore, ont, avec une infatigable persévérance, consacré une partie de leur vie à l'étude de ces questions. Gaertner, notamment, a consigné des observations de grande valeur dans son livre intitulé « Die Bastarderzeugung im Pflanzenreiche » ; et, dans ces derniers temps, Wichura a publié des recherches approfondies sur les hybrides de Saule. On n'a pu encore parvenir à dégager, pour la formation et le développement des hybrides, une loi s'étendant à tous les cas sans exception ; cela ne saurait étonner quiconque connaît l'étendue du problème et sait apprécier les difficultés que l'on a à surmonter dans des essais de cette nature. Une solution définitive ne pourra intervenir qu'à la suite d'expériences détaillées faites chez les familles végétales les plus variées. Si l'on jette un regard d'ensemble sur les travaux accomplis dans ce domaine, on arrivera à la conclusion que, parmi ces nombreux essais, il n'en est aucun qui ait été exécuté avec assez d'ampleur et de méthode pour permettre de fixer le nombre des différentes formes sous lesquelles apparaissent les descendants des hybrides, de classer ces formes avec sûreté dans chaque génération et d'établir les rapports numériques existant entre ces formes. Il faut, en effet, avoir un certain courage pour entreprendre un travail aussi considérable. Lui seul, cependant, semble pouvoir conduire finalement à résoudre une question dont il ne faut pas méconnaître l'importance quant à l'histoire de l'évolution des êtres organisés.
La présente communication a trait à un essai d'expérimentation détaillé de ce genre. Cet essai a été, comme il convient, limité à un petit groupe de plantes ; il est actuellement, au bout de huit ans, achevé dans ses parties essentielles. À une bienveillante critique de dire si le plan suivant lequel ont été ordonnées et conduites les différentes expériences répond bien au problème posé.

CHOIX DES PLANTES D'EXPÉRIENCE

La valeur et l'importance de toute expérience dépendent du choix judicieux des matériaux employés, ainsi que de leur bonne utilisation. Et dans le cas présent, on ne peut se désintéresser ni du choix des espèces végétales servant de substratum aux expériences, ni de la façon dont celles-ci sont conduites.
Le choix du groupe végétal à utiliser dans des recherches de ce genre doit être fait avec les plus grandes précautions si l'on ne veut, dès le début, compromettre toute chance de succès.
Les plantes d'expériences doivent absolument satisfaire à certaines conditions :
1° Elles doivent posséder des caractères différentiels constants.
2° Il faut que, pendant la floraison, leurs hybrides soient naturellement, ou puissent facilement être mis à l'abri de toute intervention d'un pollen étranger.
3° Les hybrides et leurs descendants ne doivent éprouver aucune altération notable de fertilité dans la suite des générations.
Des adultérations par pollen étranger, si elles se produisaient au cours des recherches et n'étaient pas reconnues, pourraient conduire à des conclusions tout à fait fausses. Une diminution de fécondité ou une stérilité complète de certaines formes, comme on en rencontre dans la descendance de beaucoup d'hybrides, rendraient les recherches très difficiles ou les feraient complètement échouer. Pour que l'on puisse connaître les rapports qui unissent les formes hybrides entre elles et avec leurs espèces souches, il paraît indispensable que tous les individus de chaque génération soient soumis à l'observation.
Dès le début, les Légumineuses ont particulièrement attiré l'attention, à cause de la structure spéciale de leur fleur. Des expériences entreprises avec plusieurs espèces de cette famille ont conduit à ce résultat que le genre Pisum répondait suffisamment aux desiderata exprimés. Quelques formes bien déterminées de ce genre ont des caractères différentiels constants et faciles à reconnaître avec certitude ; elles donnent, par fécondation croisée de leurs hybrides, des descendants à fécondité illimitée. De plus, il ne peut facilement se produire de perturbations par pollen étranger, car les organes de la fécondation sont étroitement entourés par la carène et les anthères éclatent quand la fleur est encore en bouton, de telle sorte que le stigmate est couvert de pollen dès avant la floraison. Ce fait a une grande importance. D'autres avantages méritent encore d'être cités : la culture facile de ces plantes en pleine terre et en pots, ainsi que la durée relativement courte de leur végétation. La fécondation artificielle est certainement assez minutieuse, mais elle réussit cependant presque toujours. Pour la pratiquer, on ouvre le bouton encore incomplètement développé, on écarte la carène et on enlève chaque étamine avec précaution au moyen d'une petite pince ; après quoi, l'on peut aussitôt recouvrir le stigmate de pollen étranger.
On se procura dans plusieurs graineteries en tout trente-quatre espèces de Pois plus ou moins différentes les unes des autres ; elles furent mises à l'épreuve pendant deux ans. On remarqua, chez l'une des espèces, à côté d'un très grand nombre de plantes semblables, quelques formes particulièrement anormales. Celles-ci ne variaient cependant pas l'année suivante et concordaient complètement avec une autre espèce provenant de la même maison : sans aucun doute, les graines avaient été tout simplement mélangées par hasard. Chacune des autres espèces donna des descendants tous semblables et constants ; on ne put, du moins, remarquer aucune modification essentielle pendant les deux années d'essai. On choisit, pour la fécondation, vingt-deux espèces qui furent cultivées chaque année pendant toute la durée des expériences. Elles se maintinrent sans aucune exception.
Une classification systématique de ces formes est difficile et peu sûre. Si l'on voulait employer dans toute sa rigueur la notion d'espèce, d'après laquelle n'appartiennent à une espèce que les individus qui, toutes choses égales d'ailleurs, présentent des caractères absolument semblables, on ne pourrait ranger deux de ces individus dans une même espèce. Cependant, d'après les spécialistes, la majorité appartient à l'espèce Pisum sativum, tandis que les autres ont été considérés et décrits, tantôt comme sous-espèces de P. sativum, tantôt comme espèces indépendantes ; par exemple : P. quadratum, P. saccharatum, P. umbellatum. Du reste, la place qu'on leur donne dans la classification n'a aucune importance pour les recherches en cause. On a aussi peu réussi, jusqu'à présent, à établir une différence essentielle entre les hybrides des espèces et des variétés, qu'à tirer une ligne de démarcation nette entre espèces et variétés.

[...]

DIVISION ET DISPOSITION DES EXPÉRIENCES

[...]

Les plantes ont été cultivées en planches, quelques-une en pots, et maintenues dans leur position naturelle dressée, au moyen de tuteurs, de branches et de cordons tendus. À chaque expérience, on mettait en serre, pendant la floraison, un lot de plantes en pot ; elles devaient servir à contrôler le lot principal cultivé dans le jardin quant aux perturbations possibles du fait des insectes. Parmi ceux qui visitent les Pois, un Coléoptère, Bruchus pisi, pouvait constituer un danger pour l'expérience s'il était apparu en grand nombre. On sait que la femelle de cette espèce pond ses œufs dans la fleur en ouvrant la carène. Aux tarses d'un exemplaire qui fut pris dans une fleur, on pouvait très distinctement remarquer à la loupe quelques grains de pollen. Une autre circonstance pourrait, peut-être, favoriser l'intervention d'un pollen étranger : parfois, en effet, bien que rarement, certaines parties des fleurs, pour le reste tout à fait normalement constituées, avortent ; il en résulte une mise à nu partielle des organes de la fécondation.

[...]

LES GÉNÉRATIONS ULTÉRIEURES DES HYBRIDES

Les proportions suivant lesquelles se développent et se répartissent les descendants des hybrides dans la première et la seconde génération sont probablement les mêmes pour toutes les autres. Les expériences 1 et 2 ont déjà duré six générations, les troisième et septième cinq générations, les quatrième, cinquième et sixième, quatre générations (bien qu'avec un petit nombre de plantes, à partir de la troisième), sans qu'aucune anomalie ait été constatée. Les descendants des hybrides se subdivisaient, à chaque génération, en formes hybrides et formes constantes dans le rapport 2 : 1 : 1.
Si A désigne l'un des deux caractères constants, par exemple le dominant, a le caractère récessif et Aa la forme hybride dans laquelle ils sont réunis tous deux, l'expression A + 2 Aa + a donne la série des formes pour les descendants des hybrides de chaque couple de caractères différentiels.
Les expériences dont on vient de parler confirment également la remarque faite par Gaertner, Kœlreuter et d'autres auteurs, que les hybrides ont tendance à retourner aux espèces souches. On constate que le nombre des hybrides qui proviennent d'une fécondation diminue d'une façon marquée de génération en génération par rapport à celui des formes devenues constantes et de leurs descendants, sans que toutefois ces hybrides puissent disparaître. Si l'on admet, en moyenne, pour toutes les plantes de toutes les générations, une fécondité également grande ; si l'on considère, d'autre part, que chaque hybride produit des graines dont une moitié redonne des hybrides, tandis que l'autre moitié se divise en deux parties égales conservant constamment chacune l'un des deux caractères, les rapports numériques des descendants dans chaque génération sont alors donnés par le tableau suivant dans lequel A et a désignent les deux caractères souches et Aa la forme hybride. Pour simplifier, admettons que chaque plante ne donne que quatre graines à chaque génération :





Rapports déduits :
Génération
A
Aa
a
A :
Aa :
a
1
1
2
1
1 :
2 :
1
2
6
4
6
3 :
2 :
3
3
28
8
28
7 :
2 :
7
4
120
16
120
15 :
2 :
15
5
496
32
496
31 :
2 :
31
n
2n-1 :
2 :
2n-1


À la dixième génération, par exemple : 2n-1 = 1 023. Il y a donc, pour 2 048 plantes provenant de cette génération, 1 023 avec le caractère dominant constant, 1 023 avec le caractère récessif et seulement 2 hybrides.

LES DESCENDANTS DES HYBRIDES CHEZ LESQUELS SONT GROUPÉS PLUSIEURS CARACTÈRES DIFFÉRENTIELS

Pour les expériences dont il vient d'être parlé, on a employé des plantes qui différaient par un seul caractère essentiel. Il restait à rechercher si la loi de formation déjà trouvée était également valable pour chaque couple de caractères différentiels, lorsque plusieurs caractères différents sont réunis dans l'hybride par la fécondation. Les recherches concordent pour montrer que, dans ce cas, la forme des hybrides se rapproche constamment de celle des deux plantes souches qui a le plus grand nombre de caractères dominants. Si, par exemple, la plante femelle a un axe court, des fleurs blanches terminales et des gousses à renflement continu, si, de son côté, la plante mâle a un axe long, des fleurs rouge violacé axiales et des gousses étranglées, l'hybride ne rappelle la plante femelle que par la forme de la gousse ; pour les autres caractères, il coïncide avec la plante mâle. Si l'une des plantes souches n'a que des caractères dominants, l'hybride ne peut alors en être distingué que peu ou pas du tout.
Deux expériences ont été faites avec un assez grand nombre de plantes. Dans la première, les plantes souches différaient par la forme des graines et la coloration de l'albumen ; dans la seconde, par la forme des graines, la coloration de l'albumen et la couleur de l'épisperme. Les expériences faites avec des caractères empruntés aux graines conduisent le plus simplement et le plus sûrement au but.
Pour faciliter l'exposition, on désigne, dans ces expériences, les caractères différentiels de la plante femelle par A, B, C, ceux de la plante mâle par a, b, c, et les formes hybrides de ces caractères par Aa, Bb, Cc.

Première expérience :
AB plante femelle, ab plante mâle
A forme ronde, a forme anguleuse
B albumen jaune, b albumen vert
Les graines fécondées sont rondes et jaunes, semblables à celles de la plante femelle. Les plantes que l'on a élevées donnent des graines de quatre sortes qui se trouvent souvent ensemble dans la même gousse. Quinze plantes donnèrent en tout 556 graines, dont :
315 rondes et jaunes,
101 anguleuses et jaunes,
108 rondes et vertes,
32 anguleuses et vertes.
Toutes furent semées l'année suivante.

Parmi les graines rondes et jaunes, 11 ne levèrent pas et 3 plantes n'arrivèrent pas à fructification. Parmi les plantes restantes :
38 avaient des graines rondes et jaunes AB
65 avaient des graines rondes, jaunes et vertes ABb
60 avaient des graines rondes, jaunes et anguleuses et jaunes AaB
138 avaient des graines rondes, jaunes et vertes anguleuses, jaunes et vertes AaBb
96 plantes provenant des graines anguleuses arrivèrent à fructification :
28 n'avaient que des graines anguleuses jaunes aB
68 des graines anguleuses, jaunes et vertes aBb
Sur 108 graines rondes et vertes, 102 plantes donnèrent des fruits :
35 n'avaient que des graines rondes et vertes Ab
67 des graines vertes, rondes et anguleuses Aab
Les graines vertes et anguleuses donnèrent 30 plantes
avec des graines toutes semblables, elles restaient constantes ab
Les descendants des hybrides se présentent donc sous neuf formes différentes dont quelques-unes en quantités très inégales. En les groupant ou en les rangeant par ordre, on obtient :

38
plantes avec la caractéristique
....
AB
35
-
....
Ab
28
-
....
aB
30
-
....
ab
65
-
....
ABb
68
-
....
aBb
60
-
....
AaB
67
-
....
Aab
138
-
....
AaBb


Toutes les formes peuvent être classées dans trois subdivisions essentiellement différentes. La première comprend celles désignées par AB, Ab, aB, ab ; elles ne possèdent que des caractères constants et ne changent plus dans les générations suivantes. Chacune de ces formes est représentée 33 fois en moyenne. Le second groupe contient les formes ABb, aBb, AaB, Aab ; elles sont constantes par un caractère, hybrides par l'autre et ne varient, dans la génération suivante, qu'en ce qui touche ce dernier. Chacune d'elles apparaît en moyenne 65 fois. La forme AaBb se trouve 138 fois, elle est hybride par ses deux caractères et se comporte exactement comme les hybrides dont elle provient.
Si l'on compare le nombre des formes dans les trois subdivisions, on doit admettre le rapport moyen 1 : 2 : 4. Les nombres 33, 65, 138 donnent des valeurs très suffisamment approchées de 33, 66, 132.
La série des formes évolutives comprend donc neuf termes dont quatre s'y trouvent chacun une fois et sont constants par leurs deux caractères : les formes AB et ab sont semblables aux espèces souches ; les deux autres représentent les autres combinaisons constantes que l'on peut encore obtenir de la réunion des caractères A, a, B, b. Quatre termes figurent chacun deux fois et sont constants par un caractère, hybrides par l'autre. Un terme apparaît quatre fois et est hybride par ses deux caractères. Par conséquent, la descendance des hybrides, quand des caractères différentiels de deux sortes se trouvent groupés chez ceux-ci, est représentée par l'expression :
AB + Ab + aB + ab + 2 ABb + 2 aBb + AaB + 2 Aab + 4 AaBb.
Cette série de formes est, sans contredit, une suite de combinaisons dans lesquelles sont réunies les deux séries de formes données par les caractères A et a, B et b. On obtient tous les termes de la série en multipliant A + 2 Aa + a par B + 2 Bb + b.

Deuxième expérience :

A B C
plante femelle
a b c
plante mâle
A
forme ronde
a
forme rugueuse
B
albumen jaune
b
albumen vert
C
épisperme brun-gris
c
épisperme blanc


Cette expérience fut conduite de façon tout à fait analogue à la précédente : de toutes les expériences, c'est celle qui a demandé le plus de temps et de peine. 24 hybrides donnèrent en tout 687 graines, toutes pointillées, colorées en brun-gris ou vert grisâtre, rondes ou anguleuses. Elles produisirent l'année suivante 639 plantes fertiles, parmi lesquelles, ainsi que le montrèrent les recherches ultérieures, se trouvaient

8
plantes
A B C
22
plantes
A B Cc
45
plantes
A Bb Cc
14
-
A B c
17
-
A b Cc
36
-
A Bb Cc
9
-
A b C
25
-
a B Cc
38
-
Aa B Cc
11
-
A b c
20
-
a b Cc
40
-
Aa b Cc
8
-
a B C
15
-
A Bb C
49
-
Aa Bb C
10
-
a B c
18
-
A Bb c
48
-
Aa Bb c
10
-
a b C
19
-
a Bb C

-

7
-
a b c
24
-
a Bb c

-



14
-
Aa B C
78
-
Aa Bb Cc


18
Aa B c




20
-
Aa b C




16
-
Aa b c



La série des formes évolutives comprend 27 membres dont 8 sont constants par tous leurs caractères, chacun se rencontre en moyenne 10 fois ; 12 ont deux de leurs caractères constants et le troisième hybride, chacun apparaît en moyenne 19 fois ; 6 ont un caractère constant, les deux autres hybrides, chacun d'eux se présente en moyenne 43 fois; une forme se rencontre 78 fois et a tous ses caractères hybrides. Les nombres 10 : 19 : 43 : 78 sont si approchés de 10 : 20 : 40 : 80 ou de 1 : 2 : 4  : 8 que ces derniers représentent, sans aucun doute, les valeurs réelles.
Le développement des hybrides, dans le cas où les espèces souches différent par trois caractères, a donc lieu suivant l'expression :
ABC + ABc + AbC + Abc + aBC + aBc + abC + abc + 2 ABCc + 2 AbCc + 2 aBCc + 2 abCc + 2 ABbC + 2 ABbc + 2 aBbC + 2 aBbc + 2 AaBC + 2 AaBc + 2 AabC + 2 Aabc + 4 ABbCc + 4 aBbCc + 4 AaBCc + 4 AabCc + 4 AaBbC + 4 AaBbc + 8 AaBbCc.
Nous avons également ici une série de combinaisons dans lesquelles les séries évolutives relativement aux caractères A et a, B et b, C et c sont liées entre elles. En multipliant


A + 2 Aa + a
par
B + 2 Bb + b
et le résultat obtenu par
C + 2 Cc + c

on obtient tous les termes de la série. Les combinaisons constantes qu'on y rencontre correspondent à toutes celles qui sont possibles entre les caractères A, B, C, a, b, c. Deux d'entre elles, ABC et abc, sont semblables aux deux plantes souches.
On fit, en outre, plusieurs expériences avec un plus petit nombre de plantes d'essai, chez lesquelles les autres caractères étaient réunis par deux et par trois par l'hybridation ; toutes ont donné, à peu de chose près, les mêmes résultats. Il n'est, par conséquent, pas douteux que l'on puisse appliquer à tous les caractères admis en expérience le principe suivant : les descendants des hybrides chez lesquels sont réunis plusieurs caractères essentiellement différents, représentent les différents termes d'une série de combinaisons dans lesquelles sont groupées les séries de formes de chaque couple de caractères différents. Il est en même temps prouvé par là que la façon dont se comporte en combinaison hybride chaque couple de caractères différents est indépendante des autres différences que présentent les deux plantes souches.
Si n désigne le nombre de différences caractéristiques chez les deux plantes souches, 3n donne le nombre des termes de la série de combinaisons, 4n le nombre des individus qui se trouvent dans la série et 2n le nombre des combinaisons qui restent constantes. Ainsi, par exemple, si les plantes souches diffèrent par quatre caractères, la série contient 34 = 81 termes, 44 = 256 individus et 24 = 16 formes constantes ; ou bien, ce qui revient au même, sur 256 descendants des hybrides, il y a 81 combinaisons différentes dont 16 sont constantes.
Tous les produits constants que l'on peut obtenir chez Pisum par la combinaison des sept caractères typiques déjà cités l'ont été réellement par des croisements répétés. Leur nombre est donné par 27 = 128. Nous avons, par là même, la preuve effective que les caractères constants que l'on rencontre chez différentes formes d'un groupe de plantes peuvent donner, par fécondation artificielle répétée, tous les groupements qu'indique la loi des combinaisons.
Les recherches concernant l'époque de floraison des hybrides ne sont pas encore terminées. On peut cependant dire, dès maintenant, qu'elle est presque exactement intermédiaire entre celle de la plante femelle et celle de la plante mâle, que l'évolution des hybrides se fait vraisemblablement pour ce caractère comme pour les autres. Les formes qu'il faut choisir pour des recherches de ce genre doivent différer au moins d'une vingtaine de jours dans leurs époques moyennes de floraison ; il est, de plus, indispensable que les graines soient toutes semées à la même profondeur, afin d'obtenir une germination simultanée. En outre, il faut, pendant toute la floraison, tenir compte des variations de température assez importantes pour accélérer ou ralentir l'épanouissement. On voit que cette expérience doit surmonter des difficultés d'ordres divers et demande une grande attention.
Si nous cherchons à résumer les résultats obtenus, nous trouvons que les caractères différentiels, susceptibles d'être distingués facilement et sûrement chez les plantes en expérience, se comportent tous absolument de la même façon en combinaison hybride. La moitié des descendants des hybrides de chaque couple de caractères différentiels est également hybride, l'autre moitié est constante ; elle se divise en deux groupes égaux possédant, l'un le caractère de la plante femelle, l'autre celui de la plante mâle. Si la fécondation réunit chez un même hybride plusieurs caractères différentiels, les descendants de cet hybride correspondent aux différents termes d'une série de combinaisons dans laquelle sont groupées les séries des formes dérivant de chaque couple de caractères différentiels.
Les résultats si concordants fournis par tous les caractères soumis à l'expérience autorisent parfaitement et justifient une généralisation relative aux autres caractères qui apparaissent dans les plantes d'une façon moins frappante. Bien que ces caractères ne puissent être soumis à des expériences particulières, on doit admettre qu'ils se comportent de la même manière. Une expérience sur des pédoncules floraux de différentes longueurs donna, en bloc, un résultat suffisamment satisfaisant, bien que le triage et le rangement des formes n'aient pu être effectués avec la précision indispensable à des recherches correctes.

LES CELLULES SEXUELLES DES HYBRIDES

Les résultats des recherches précédentes ont suggéré de nouvelles expériences qui semblent donner des indications sur la nature des cellules polliniques et ovulaires des hybrides. Un fait important est que, chez Pisum, il apparaît des formes constantes parmi les descendants des hybrides, et cela, dans toutes combinaisons des caractères croisés. Aussi loin que l'on pousse l'expérience, on observe constamment qu'il y a formation de descendants constants seulement dans le cas où les cellules ovulaires et le pollen qui les féconde sont de même nature et possèdent tous, par conséquent, la faculté de donner naissance à des individus parfaitement semblables entre eux, comme cela se produit après fécondation normale entre espèces pures. Nous devons donc regarder comme indispensable, dans la production des formes constantes chez les hybrides, la coopération de facteurs absolument de même nature. Les différentes formes constantes apparaissent chez une plante et même chez une fleur de cette plante, il paraît logique d'admettre qu'il se forme dans l'ovaire des hybrides d'une part autant de sortes de cellules ovulaires (vésicules germinatives) ; dans les anthères d'autre part autant de sortes de cellules polliniques qu'il peut y avoir de formes combinées constantes ; il est à penser, en outre, que ces cellules ovulaires et polliniques correspondent, par leur structure intime, à chacune de ces formes.
En fait, des considérations théoriques permettent de montrer que cette hypothèse suffirait parfaitement à expliquer le développement des hybrides dans les différentes générations si l'on pouvait également admettre que, en moyenne, les différentes sortes de cellules ovulaires et polliniques sont produites chez l'hybride en quantités égales.
Afin de soumettre ces suppositions à la vérification expérimentale, j'instituai les expériences suivantes : je croisai deux formes qui différaient d'une façon constante par la forme des graines et la coloration de l'albumen.

[...]

La série évolutive des hybrides est tout à fait analogue quand ceux-ci contiennent des caractères différentiels de trois sortes. L'hybride donne huit formes de cellules polliniques et ovulaires : A B C, A B c, A b C, A b c, a B C, a B c, a b C, a b c, et chaque forme de pollen se réunit également, une fois en moyenne, avec chaque forme de cellules ovulaires.
La loi de combinaison des caractères différentiels, suivant laquelle a lieu le développement des hybrides, trouve donc sa base et son explication dans le principe que nous avons établi, à savoir que les hybrides produisent des cellules ovulaires et polliniques qui correspondent en nombre égal à toutes les formes constantes provenant de la combinaison des caractères réunis par la fécondation.

[...]

La tentative qui vient d'être faite, pour ramener la principale différence dans le développement des hybrides à une combinaison durable ou passagère des différents éléments cellulaires, ne peut évidemment prétendre qu'à la valeur d'une hypothèse, à laquelle l'absence de données certaines laisse encore un vaste champ libre. L'opinion que nous venons d'émettre trouve une certaine vraisemblance dans ce fait, établi pour Pisum, que la façon dont se comporte chaque couple de caractères différentiels en combinaison hybride est indépendante des autres différences entre les deux plantes souches, et dans cet autre, que l'hybride produit autant de sortes de cellules ovulaires et polliniques qu'il peut y avoir de formes constantes de combinaison. Les caractères différentiels de deux plantes peuvent donc ne reposer finalement que sur des différences dans la qualité et le groupement des éléments qui sont en échanges vitaux réciproques dans leurs cellules fondamentales.
La validité des lois proposées pour Pisum aurait certainement elle-même besoin de confirmation ; c'est pourquoi, il serait à souhaiter qu'on refît au moins les expériences les plus importantes, par exemple celles sur la nature des cellules sexuelles hybrides. Il peut très bien échapper à l'observateur isolé un élément de différenciation qui, s'il semble insignifiant au début, peut cependant prendre une importance telle que l'on ne puisse le négliger pour le résultat final. De nouvelles expériences permettront seules de déterminer si les hybrides variables d'autres espèces végétales se comportent d'une façon concordante ; on pourrait, toutefois, penser qu'il ne puisse y avoir de différence essentielle sur les points principaux, car l'unité de plan dans le développement de la vie organique est incontestable.